La défense aérienne française : 80 ans d’adaptation aux nouveaux défis
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Créée début 1945, cette composante de l’armée de l’Air et de l’Espace, essentielle à la protection du pays, a une dimension interministérielle et interarmées qui la place sous l’autorité du Premier ministre. Retour sur ces décennies d’évolution, du décret originel au concret d’aujourd’hui.
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Le 20 janvier 1945, dans une France encore meurtrie par les combats de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République française, signe le décret portant création de la défense aérienne. Cet acte porte la première pierre de la reconstruction d’une souveraineté dans les airs, à laquelle il confère une dimension interarmées et interministérielle, sous l’autorité du Premier ministre. Les moyens de l’appliquer se font néanmoins attendre.
C’est un effort sur plusieurs plans qui sera entrepris pour conquérir les airs. Construire un maillage de détection territorial, via des capacités radar et radio mobiles puis fixes, reliés les unes aux autres et au maillage de l’OTAN. Tenir le ciel, avec des avions de chasse d’abord britanniques comme les Vautour puis les Mirage français et AWACS (systèmes de stations radar aéroportés) américains, et enfin les Rafale. Bâtir des centres de commandement sophistiqués à même de prévenir et gérer toute menace dans les airs. Enfin, disposer d’une doctrine forte, à la fois souveraine et appuyée par les capacités des pays frontaliers et de l’OTAN.
En parallèle de l’arrivée de la dissuasion nucléaire avec laquelle elle coordonnera ses effets, la défense aérienne assurera de 1945 à 2001 la protection et la souveraineté des airs français face aux menaces militaires. Perçu comme un sanctuaire, le ciel français est pourtant l’objet de nombreux « tests » de vecteurs de l’URSS, interceptés par la chasse française à nos frontières.
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QUAND LES AVIONS SOVIÉTIQUES ESPIONNAIENT L’ÎLE-LONGUE
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Par exemple, dans les années 1980, les TU-95 Bear soviétiques décollaient de Mourmansk, au nord-ouest de la Russie, contournaient le Royaume-Uni et l’Irlande par le nord pour se positionner au large de l’Île-Longue (Finistère), afin d’écouter et voir cette base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE). Pour pallier les défauts de détection des radars français, limités à 50 milles nautiques des frontières terrestres, la défense aérienne mobilisait des Mirage F-1C des 12e et 30e escadres de chasse afin d’intercepter et prendre en photo les avions soviétiques. La coopération avec l’allié britannique était essentielle : il envoyait un préavis de survol et mobilisait ses avions ravitailleurs pour approvisionner en vol les aéronefs français.
Les attentats du 11 septembre 2001 vont faire basculer la doctrine de défense aérienne, pour faire face à la menace terroriste. Les avions civils, autrefois d’intérêt relatif, deviennent de potentielles armes par destination. Les grands événements (comme les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024) sont désormais protégés dans les airs par des dispositifs particuliers de sûreté aérienne. La défense aérienne se doit d’être réactive et adaptée au niveau de menace terroriste, dissimulée au sein des 15 000 survols quotidiens de l’espace aérien national.
Plastique et agile, la défense aérienne s’ajuste aux enjeux actuels, notamment celui du retour d’une conflictualité étatique aux portes de l’Europe. Le défi des nouveaux usages prolonge les responsabilités interministérielles historiques du décret de 1945 aux drones et aux nouveaux moyens d’accès à l’espace aérien, comme les parapentes ou ULM, qui peuvent être des armes (paramoteurs du Hamas franchissant la frontière entre Gaza et Israël le 7 octobre 2023, drones ukrainiens de l’opération « Toile d’araignée » le 1er juin 2025…). Ces usages s’ajoutent à un trafic aérien civil en constante expansion. Le défi de l’accélération tous azimuts (communications, vecteurs aériens, spatial…) exige une réponse permanente et évolutive.
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BIENTÔT AIDÉE PAR L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DES ESSAIMS DE DRONES ?
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La défense aérienne continuera d’évoluer et de s’adapter. Demain elle pourrait être une sorte de cloud relié à l’intelligence artificielle pour donner des ordres aux SCAFs (système de combat aérien du futur) appuyés par des essaims de drones. Mais ses évolutions pourraient aussi être totalement différentes. Comme l’affirmait l’aviateur et écrivain Antoine de Saint-Exupéry, « pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ».
Commandant la défense aérienne et les opérations aériennes (CDAOA), le général de corps aérien Laurent Rataud souligne le chemin parcouru depuis sa création :
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« Depuis plus de 80 ans, la défense aérienne assure la souveraineté française dans les airs. Incarnation d’une vision hautement politique mise en œuvre par une stratégie et des moyens sans cesse repensés, elle s’adapte aux défis et enjeux sans dénaturer l’objectif de protection du ciel français, inchangé depuis 1945. Cette histoire de la défense aérienne est passionnante, elle a été portée par des milliers d’aviatrices et aviateurs dévoués à cette mission. Longue vie à la défense aérienne ! »
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- Le CDAOA invite à suivre la conférence des 80 ans de la défense aérienne, qui se tiendra au sein de l’auditorium du musée de l’Air et de l’Espace au salon du Bourget le 18 juin de 15h à 16h30. Renseignements et inscriptions : Commandant Guillaume Denis guillaume1.denis@intradef.gouv.fr

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